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  • Photo du rédacteurAmélie Sasseville

Un mois de volontariat dans un refuge d'animaux sauvages | 1re partie

Dernière mise à jour : 2 janv.

🗓️ Septembre 2022

« Plus j'y pense et plus je suis sûre que je vais tripper : j'ai toujours aimé ça, les animaux! » Je reviens d'un aller-retour à l'agence Western Union du Super C de Saint-Charles-Borromée, où je suis allée payer un dépôt de 30$ pour confirmer ma participation à un mois de volontariat dans un refuge d’animaux sauvages à Samaipata, en Bolivie. Il y a quelques jours, j'ai vu dans un groupe Facebook la publication d'une fille qui l'avait fait et qui avait kiffé (c'était une Française) et l'idée de prendre exemple sur elle et d'aller faire don de moi-même m'apparaissait inspirante. En plus, elle disait qu'il faisait beau et chaud, à Samaipata. Ça aussi, ça m'inspirait, puisque je prévoyais d'abord passer deux mois dans l'Altiplano, la plus haute région habitée du monde après le plateau tibétain. Et qui dit altitude dit qu'il va faire frette. « Regardez le p'tit singe qui dort dans ses bras » que je dis à mes parents en consultant à nouveau le post, « il lui manque un bout de patte. » 💔


Quelque deux mois et demi plus tard

Voilà une semaine que je loge chez Thierry, l'un des nombreux expats ayant jeté son dévolu sur Samaipata, nichée à 1800 mètres dans les contreforts des Andes. J'y suis arrivée depuis Sucre à 3 h du matin la semaine dernière et il a eu la gentillesse de venir me chercher directement à l'arrêt d'autobus (alias su'l bord d'la station-service), accompagné d'un certain Antoine qui, ma foi, était plutôt chaudaille. On a marché plus ou moins un kilomètre avant d'arriver chez lui, où il héberge des voyageurs de passage tels que des Antoine et des Amélie. Je partageais ma chambre avec une Mélanie, que j'ai entendue dans les ténèbres de notre pièce commune lorsqu'elle m'a demandé où étaient les toilettes. C'était weird comme question à poser à la nouvelle qui débarque au beau milieu de la nuit; était-elle paquetée elle aussi? Lorsque, gênée, je suis sortie de la chambre le lendemain matin, un déjeuner gargantuesque nous attendait : jus frais de lime et de mûres, pain et confitures maison, yogourt et granola, empanadas au fromage. De quoi faire passer un lendemain de veille. L'hospitalité de Thierry n'avait d'égal que sa cuisine et tandis que je me disais qu'il manquait juste un chat pour être au paradis, j'ai détecté un mouvement rapide dans mon angle mort. C'était un chat.


J'ai rencontré Elena, la blonde d'Antoine qui avait dégrisé, ainsi que Sylvie, une femme dans la cinquantaine voyageant en solo, et j'ai vu ma coloc de chambre pour la première fois. Que des Français qui, oh putain, se marraient de mon accent. Du coup, on a essentiellement passé la semaine à boire l’apéro qui, me semble-t-il, commençait toujours de plus en plus de bonne heure. On buvait de la Skol, une bière brésilienne, des Pastis (insérez ici un geste de haut-le-cœur) ou le moins pire des vins blancs qu'on pouvait trouver au marché. Parfois, on allait à La Bohème, le meilleur bar du village tenu par une Australienne qui dit fuck (et toutes les déclinaisons possibles) à chaque phrase. Une seule fois, au cours de la semaine, je me suis forcée à bouger un peu en allant faire la randonnée du Codo de los Andes, de laquelle je suis revenue couverte de tiques. 🫥 C'est ainsi que j'ai laissé tomber l'idée d'aller voir les fougères géantes au Parc national Amboro au profit de l'apéro. D'ordinaire, je me serais sentie coupable de gaspiller mon temps de la sorte, mais les dernières semaines avaient été tellement intenses : gravir les 5350 mètres du Pico Austria, dévaler la Route de la mort à vélo, tomber sur le Bushmaster en personne en pleine jungle, dormir à -17 degrés Celsius dans un hôtel de sel pas-chauffé-pas-isolé dans le Salar de Uyuni, faire semblant d'aimer le vin bleu (vous saviez, vous, que ça existait?). Cette semaine de vedgage à temps plein tombait donc à point, surtout que septembre ne s'annonçait pas de tout repos : c'est demain que s'amorçait mon mois de volontariat et son seul jour de congé par semaine, mais j'avais quand même très hâte, puisque j'ai toujours aimé ça, les animaux (bruit de criquet).



Jeudi 1er septembre 2022. Dans une autre vie, je commencerais une année scolaire, mais pas cette année. Thierry me remet un sac avec le fromage que je lui ai acheté, qu'il fait lui-même. Il m'a donné le plus gros. « Merci pour ta visite, Amélie, reviens nous voir quand tu veux. » Mel m’accompagne jusqu'au stand à taxis en face de l'église, m’aidant à transporter mes innombrables bagages. « Eh bien c'était un plaisir de te rencontrer, prends soin de toi et donne-nous des nouvelles. Bon courage. » Bisous, bisous.


Le refuge est situé à deux kilomètres et demi du village dans la montagne. C'est un dénommé Choco qui nous y accueille, mon fromage et moi, avec son chien Lily. Elle est belle, Lily, mais c'est un peu weird parce qu'on dirait Yoda. Je comprends à moitié ce qu'il m'explique parce qu'il ne parle qu'en espagnol, mais je pense qu'il trippe sur Justin Trudeau et qu'il aimerait qu'on en discute éventuellement. 🤔 Le maître Jedi sur les talons, je lui emboîte le pas jusqu'à la chambre privée que j’ai louée pour 200 USD. Il y avait bien l'option gratuite du dortoir partagé avec les autres volontaires et une seule salle de bain commune pour tout le monde, mais les 200 USD me paraissaient peu cher payés pour avoir la paix et le luxe de prendre ma douche quand bon me semblerait. Si on fait fi des crottes de souris, ma chambre est plutôt jolie. J’ai même une terrasse avec une chaise longue (un transat, comme diraient les Français). Oh, attendez, elle est défoncée.



Choco me présente Loth et Hedi, deux Français qui passeront septembre ici aussi. Salut, salut, enchantée. Il nous explique que la journée d’aujourd’hui en est une de repos (déjà?) et que notre formation débutera demain. Vite fait, il nous amène voir les animaux : des coatis, deux-trois espèces de singes (watch out, les capucins sont agressifs), des lamas bruns, des cochons sauvages qui sentent mauvais, des chèvres, des chevaux blancs si sales qu'ils sont sur le bord de devenir bruns comme les lamas, une vingtaine de tortues, plusieurs espèces de perroquets, un gros tapir qui s'appelle Antonio (Antonio!), trois-quatre agoutis (attention, celui-là pisse sur tout le monde), deux chats sauvages, une chouette nocturne qui vit avec des poules diurnes. Ta'.


Les présentations terminées, on se dirige à la cuisine où l’un des volontaires est chargé de préparer chaque jour le repas du midi pour tout le monde (je dis repas du midi parce qu'à chaque fois que je dis dîner, ça génère de la confusion chez les Français). C’est à ce moment-là que je commence à capoter, plus précisément lorsque Choco ouvre le frigo et que tout ce qu'on y découvre, c'est les restes du midi (des pâtes pas de sauce pis des patates), un fond de bouteille de yogourt sec, un restant de mayonnaise et des têtes de poules en train de décongeler pour le repas du soir des chats sauvages. Crime, j'espère que c'est pas celles qui vivent avec la chouette. « Là, c'est où on laisse les oeufs, mais y'en reste pu pour le moment. » Il paraîtrait que la proprio achète la même quantité de bouffe chaque semaine, peu importe le nombre de volontaires. K. 😶 Évidemment, la personne chargée de la cuisine est aussi responsable de la vaisselle, qu'elle doit sans doute laver avec cette éponge jaune immonde en train de virer brune comme les lamas. Ma toilette doit être plus propre. Choco ajoute qu’on peut aussi aller au Frutero, là où est préparée la bouffe des animaux, pour se prendre avec modération des fruits et des légumes. Manger la bouffe des animaux, sérieux? Il désigne finalement un deuxième frigo, plus petit celui-là, dans lequel on peut laisser des achats personnels. Comment on dit ça, en espagnol, qu'on repassera pour le logé-nourri?


On l'accompagne en silence devant une penderie qui, nous apprend-il, contient des vêtements ayant spécialement été laissés pour nous (pas nous trois précisément, mais nous les gens qui ont décidé de faire don de soi). « Vous allez voir, c'est plein de morceaux de qualité » qu'il dit en dépliant une paire de joggings à la fourche éventrée et un short ultra-court, le genre d'affaire outrageusement inappropriée pour travailler (même pas, pour bénévoler) dans un refuge d’animaux. Loth me lance un regard qui vaut mille piasses. Je sens que je vais l’aimer. « Alors c’est tout pour aujourd’hui, vous avez le reste de la journée pour vous reposer. » Je jette un coup d'œil à mon cell : à peine 14 h. Je texte Mel pour lui dire que je viens rejoindre la gang chez Daniel, l'ami expat de Thierry qui ressemble à Emmett Brown. Nom de Zeus!



Back to the refuge deux-trois verres plus tard, je retourne à la penderie. J'y dégote des leggings à la fourche bien solide, des shorts en jeans de longueur acceptable, une grande chemise et un t-shirt jaune fluo qui, je l'espère, ne fera pas badtripper les animaux. Je cherche Loth et Hedi histoire de sympathiser un peu, mais ils doivent être partis au village. J'espère juste qu'ils se sont pas sauvés. Un chat argenté aux yeux bizarres me suit jusqu'à la cuisine, où je découvre une caisse de nouilles ramen. Je sais, ça prend des heures à se décomposer dans le tube digestif, mais so what. En attendant que l’eau bouille, je farfouille dans les armoires pour trouver un bol, mais sans succès. Je tombe toutefois sur une merveilleuse trouvaille : deux beaux pains frais qui me rappellent que la personne responsable de la cuisine doit aussi faire du pain. Je l'ai lu dans le manuel du volontaire. Je mange mes nouilles - deux paquets, une vraie folie - directement dans le chaudron pu de poignées avant d'aller au lit.


***


Il est 7 h lorsque le cadran sonne, mais j’en aurais pas eu besoin thanks to the singes-écureuils qui jouent une game de soccer sur le toit en tôle depuis vingt minutes. Greyée de mon nouveau outfit (#ootd), je me dirige à la cuisine. Il fait ni chaud ni beau. Je rencontre Damien et Jordan, deux volontaires qui finissent dans trois jours. Je reste hébétée lorsque j'ouvre l’armoire pour me couper une tranche de pain : voyons, où est-ce qu'ils sont passés? Coup d'œil vers la table, où ils ne sont pas non plus. Les gars m'apprennent alors que la nuit, la bouffe se fait voler. Voler? « Les courses sont faites le lundi et rendu au jeudi, il reste plus rien. » On est vendredi. Je vais chercher deux bananes au Frutero, espérant que les singes ne m'en tiendront pas rigueur.


C’est Damien qui est responsable de ma formation, ce gars qui connaissait fuckall au fonctionnement d’un refuge d’animaux sauvages il y a quatre semaines. C'est moi ou...? Loth et Hedi (qui sont heureusement revenus) ont été pris en charge par Jordan, tout aussi qualifié. Damien m'apprend que je serai responsable « de la zone 2 », autrement dit que je m’occuperai des singes (incluant celui à qui il manque un bout de patte, mais excluant les capucins agressifs), des lapins, des Amazonas, des inséparables, des Aras rouges, des tortues, des autres p'tits perroquets que je sais pas c'est quoi leur espèce, des coatis, des cochons sauvages qui pusent, des chats sauvages, de la chouette et des chevaux. C'est tout...? Bien vite, je réalise que je ne suis pas du tout à l'aise dans les cages et les enclos. Voyons, j'ai pourtant toujours aimé ça, les animaux. On récupère les gamelles vides de la veille qu’on lave à la hose sur trois-quatre palettes de bois empilées; le setup parfait pour se faire un tour de rein. Mes pieds qui prennent l'eau me convainquent d'aller chercher les bottes de pluie que j'ai aperçues hier à côté de la penderie; elles sont à ma taille, mais le pied droit est troué. Les gamelles nettoyées, on les apporte à Choco au Frutero, là où il prépare la bouffe pour tout ce beau monde. Nous, on retourne dans les cages pour le ménage. 🫣 J’observe Damien s’équiper d’un râteau pété, d’un porte-poussière pété, d’une chaudière fendue et d’une brosse à laquelle la moitié des poils ont été arrachés. Il me demande si je veux des gants, mais me prévient qu'il n'y en a que des droits.


Le nettoyage prend plus ou moins deux heures. Damien se donne vraiment; je me demande si c'est juste pour le show ou s'il s'est donné de même pendant un mois. Mes ongles sont noirs, j’ai deux coupures qui chauffent aux mains, j'ai peur d'avoir chopé une bactérie et j'ai passé la matinée à recevoir des crottes d'oiseaux diluées en pleine face. Et je me suis volontairement engagée à tout ça. Je repense au post de la fille : mais qu'est-ce qu'elle a bien pu trouver de si merveilleux à son expérience? On retourne au Frutero où on récupère les gamelles qui débordent d'ananas, de melon d’eau, de laitue, de patates douces, de clémentines, de betteraves, de tomates, d'avoine, de graines de tournesol. Un joyeux festin.



À 12 h tapantes, un puissant coup de gong résonne : le repas est prêt à être servi. C'est Alicia, une vétérinaire-bénévole-chilienne, qui était chargée du dîner aujourd'hui - s'cusez, du repas du midi. Avec ce qu'elle avait à disposition, y'avait pas de quoi se casser le bicycle : des pâtes au ketchup, des patates bouillies et une salade de tomates et de concombres directement volés aux animaux. Pas de festin pour nous. En après-midi, on me montre comment m’occuper de la tienda, la boutique où les visiteurs viennent payer leur entrée et acheter des tites croquettes pour les animaux. Parce que c'est ça, l'affaire : y'a des gens qui viennent visiter le refuge. Il me semble qu’il existe un nom pour ça, déjà. Voyons, ça me revient pas. Ah oui : un zoo. Au moins pendant ce temps-là, je suis pas dans les cages. À 17 h, après que Damien m'ait méticuleusement expliqué quelles plantes arroser une journée sur deux en fonction de la lumière et la rétrogradation de Mercure (j'en mets à peine), la journée est terminée. Me donnant même pas la peine de prendre une douche, je demande à Choco s’il peut m’appeler une mototaxi pour descendre au village. Il m’apprend que lorsqu’il pleut - ah, je vous avais pas dit qu'il pleuvait? -, il n’y a pas de chauffeurs disponibles sur demande. Whatever, je vais marcher; je suis pas pour manger des nouilles ramen pendant un mois. À peine une minute après être partie, je croise... une mototaxi. Je fais signe au chauffeur de s'arrêter et m'installe maladroitement derrière lui, pas de casque. Wild, wild, wild. La course coûte moins de 1 $ et encore, je dois me faire avoir. Je lui demande de me laisser au marché, où je remplis mon sac de pain, de jambon, de yogourt, de beurre de peanut, de fromage (jamais trop de fromage), de biscuits et de vin, du blanc et du rouge. À la dernière minute, j’ajoute un paquet d'éponges à vaisselle. 🧽


(pour suivre)

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