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  • Photo du rédacteurAmélie Sasseville

L'aventure imprévue du Botswana | 1re partie

🗓️ Février 2020

Les aventures les plus exceptionnelles sont rarement celles que l’on avait planifiées. Je crois que ce sont elles, en quelque sorte, qui nous choisissent, comme si une intention de nous mener exactement à ce moment avait toujours existé. C’est ce qui s’est produit avec notre venue au Botswana. Après deux semaines à pérégriner sur les routes fabuleuses de la Namibie, une rencontre fortuite nous a convaincus de nous engager dans la bande de Caprivi pour rejoindre le poste frontalier Ngoma. Ce qui motivait ce détour improvisé : les éléphants qui, saison des pluies oblige, n’avaient pas été au rendez-vous en Namibie. Au sein du parc national de Chobe, cependant, on en dénombrait pas moins de 100 000.


Traverser une frontière terrestre en Afrique s’est avéré beaucoup plus simple que l’idée que je m’en étais faite. Après quelques questions d'usage et une inspection du véhicule ayant mené à la perte d'un paquet de viande hachée, on a nettoyé la semelle de nos souliers et le tour était joué. Welcome to Botswana! On allait passer la nuit dans la ville de Kasane à proximité de la Ngoma Gate du parc Chobe, où nous prévoyions nous aventurer dès le lendemain. Depuis le début de ce roadtrip, deux semaines plus tôt, nous élisions domicile dans des campsites où l'on dormait en tente sur le toit du 4x4 que nous avions loué à Windhoek, en Namibie. En dépit du matelas ténu et du soutien quasi inexistant des oreillers, jamais je n'avais si bien dormi. En route vers le Senyati Safari Camp, les enseignes de traverses d’éléphants se faisaient nombreuses; on était à la bonne place. Arrivés devant le chemin menant à la réception, une inscription écrite en rouge et en majuscule mettait en garde : « 4x4 ONLY, DEEP SAND ». ⚠️ Certes, on l'avait, le 4x4, mais l'idée de s'enliser en un lieu d'où pouvait surgir un éléphant à tout moment ne nous disait rien qui vaille. Nous avons préféré nous rendre à une seconde entrée, plus loin, qui nous a permis de nous aventurer en retrait de la ville sur des chemins cahoteux, il va sans dire, mais exempts de deep sand. L'accueil que nous réservaient les Botswanais était aussi amical que chaleureux : tous nous saluaient avec un magnifique sourire, en particulier ces enfants qui se sont regroupés autour du véhicule pour nous faire des high five enthousiastes à tour de rôle. L'Afrique m'émouvait d'une manière que peu d'endroits l'avaient fait.


C’était la première fois que nous allions passer la nuit dans un campsite non sécurisé, ce qui, concrètement, signifiait que n’importe quel animal pouvait s’inviter sur notre terrain. Du babouin au buffle en passant par Timon et Pumbaa et…

 

— Un éléphant, Y'A UN ÉLÉPHANT JUSTE LÀ!


Un spécimen IMMENSE se tenait près de la réception, comme si c'était la chose la plus normale qui soit. À vrai dire, ce l'était, ici. Il n'avait absolument rien à voir avec les éléphants que j’avais croisés au Sri Lanka quelques semaines plus tôt; celui-ci devait bien mesurer plus de trois mètres et peser quoi, quatre tonnes? Sa peau gris foncé sillonnée de rides profondes était épaisse et robuste et la longueur de ses défenses laissait suggérer qu'il s'agissait d'une femelle ou d'un jeune mâle. Il évoquait la force et la puissance, cela va de soi, mais autre chose, aussi... Il évoquait la sagesse. Sa queue ballottait nonchalamment tandis que ses oreilles se faisaient aller d’avant en arrière. Retenant notre respiration, nous sommes descendus discrètement du véhicule, à la fois impressionnés et pétrifiés devant le plus gros mammifère terrestre. Welcome to Botswana!



***


Entrer dans le parc Chobe avec l’intention d’y passer la nuit a été d’une complexité décourageante. Nous avions en tête de nous rendre au camp Ihaha le long de la rivière Chobe, où plusieurs troupeaux d’éléphants venaient s’abreuver chaque jour. Le problème, c’est qu’il aurait sans doute été plus simple de réserver un terrain de camping sur la Lune. Et pas de réservation, pas d’entrée dans le parc. Malgré qu’on ait épluché le web, pas moyen de réserver en ligne ou de trouver un numéro de téléphone fonctionnel. Et alors qu’on sollicitait l’aide de tout un chacun, Untel nous référait à telle personne qui nous renvoyait à une autre qui, sorry, ne pouvait rien pour nous, mais peut-être qu’à cet endroit vous auriez plus de chance et l’arbre est dans ses feuilles, marilon, marilé, l’arbre est dans ses feuilles marilon don dé. Les heures s’écoulaient alors que nous cherchions désespérément une solution en même temps que nous parcourions les bureaux de change de Kasane qui, second problème, refusaient catégoriquement d’échanger nos dollars canadiens contre des pulas. (☝🏼 Sachez qu'au terme de mes recherches, quatre ans plus tard, il semble désormais très facile de réserver en ligne. Si jamais l'envie vous prend. 😉)


On avait toujours eu cette habitude, en voyage, de ne jamais rien planifier à l’avance. On réservait absolument tout sur place, de l’hébergement au transport en passant par les activités, même les plus populaires. Et si ça nous avait toujours bien servi jusqu'à présent, je sentais que le vent était peut-être en train de tourner : une virée au parc Chobe nécessitait un minimum de préparation et d'organisation pour la simple et bonne raison qu'une fois à l’intérieur du parc, nous allions nous retrouver on our own. Il n’y aurait pas de guichet automatique ni d’épicerie ou de station-service, ni même de réseau cellulaire et encore moins d'Internet. Une aventure à Chobe, c'était une aventure audacieusement sauvage.


Nous avons résolu notre problème de pulas en nous rabattant sur un ATM que nous avons dévalisé avec plusieurs retraits consécutifs sous les yeux de locaux drôlement intéressés, et nous sommes finalement parvenus à communiquer avec la réceptionniste du camp Ihaha pour officialiser notre présence pour la nuit. Hormis sa bonne parole, nous n’avions toujours pas de confirmation de réservation digne de ce nom, mais elle devait avoir bonne réputation, car le simple fait de mentionner son nom fut suffisant pour que nous soyons finalement autorisés à entrer dans le parc. Il était passé midi. Moins d'une quarantaine de kilomètres nous séparaient d'Ihaha, mais on savait que la route allait être ardue; nous ne pourrions échapper, cette fois, aux pistes de deep sand en rouge et en majuscule, lesquelles rendraient chaque minute de nos déplacements périlleuse. Et puis c’était sans compter la tonne d’imprévus qui pourraient prendre la forme d’une crevaison, d'une averse torrentielle ou d’une rencontre avec l’animal le plus dangereux d’Afrique (savez-vous de qui il s'agit?).

 

Oh et il y a ce petit détail, aussi, qu’il serait peut-être important que je vous partage. Déjà tendus par notre matinée pas simple, à ce moment précis où l’on s’apprêtait enfin à s’introduire dans l’une des réserves animalières les plus riches et sauvages d’Afrique, nous avons fait cette rencontre qui nous a obligés à remettre en question notre présence ici. Un guide - vous savez, cette personne qui est formée pour accompagner des gens en safari et anticiper le comportement des animaux de façon à minimiser les risques potentiels - venait de se faire charger par un éléphant, comme en témoignait le côté droit de son véhicule fracassé. Il était accompagné de clients (désormais traumatisés, j'imagine) et puis BANG, le gros avait frappé.



J’ai jeté un coup d'oeil vers mon chum et ses yeux m'ont renvoyé le reflet de ma propre peur. Étions-nous bêtement en train de pousser notre luck? Je m’imaginais déjà les grands titres : « Deux tawins qui se sont aventurés tout seuls au parc Chobe pour voir des éléphants de près périssent après avoir été piétinés par un spécimen de cinq tonnes, qu'ils ont au moins vu de crissement proche. »

 

Nous n'en serions pas à notre premier safari en autonomie, cela dit; nous avions gagné de l'expérience (un peu) avec la semaine passée à explorer le parc national d'Etosha, en Namibie. Les moments effarants avaient été considérables, c'est vrai, mais on s'en était bien tirés malgré qu'un léopard se soit retrouvé à quelques pieds de notre fenêtre ouverte et qu'on ait surpris un rhinocéros (qui, oh God, nous a surpris en retour) au tournant d'un virage.


— Et qu’est-ce qu’on doit faire si un éléphant veut nous charger? que j’ai osé demander.


Pour ce que ça valait...

 

— Vous éteignez le moteur et vous attendez.

 

Si c'est ce que lui-même avait fait... La route en direction d'Ihaha débutait deux cents mètres plus loin, à droite. Une enseigne indiquait one way. Une fois partis, ça signifiait qu'il faudrait y aller all in. Mon cœur a fait trois tours lorsque j'ai aperçu le chemin : devant nous se dessinait une piste de sable dont l'étroitesse allait contraindre notre Toyota Hilux à raser la forêt de laquelle pourrait surgir n’importe quel « imprévu » de trois tonnes. J'ai repensé aux grands titres. Il était encore temps de changer d’idée, mais en fin de compte, n’est-ce pas justement pour ces moments que nous voyagions? Pour ces instants vibrants qui procurent des émotions si vives qu’on sent la vie pétiller partout en nous.

 

Quoi qu'il en soit, on a tourné à droite.

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